• Roman : le chien qui cligne de l'oeil


    Jeudi 28 Novembre 2019 à 12:43
    Azuro

    J'ai aussi essayé d'écrire un roman. Mais je n'ai fait que 4 chapitres...

    Je vous livre ce 'roman inachevé : 'le chien qui cligne de l'oeil'

     

     

                                                            CHAPITRE  1.

    John vit avec sa famille dans une petite ville appelée Texaco, au Nouveau-Mexique. Il est charpentier depuis son plus jeune âge, métier qu’il a appris à l’école dès l’âge de 15 ans. Son grand-père exerçait déjà ce métier, et John aimait le regarder travailler quand il était enfant. Bien que son père, qui exerce des fonctions politiques de premier plan, ne fusse pas favorable à ce qu’il fasse ce métier manuel et parfois dangereux, John réussit à imposer sa volonté, et se consacra à la confection de belles charpentes.

    Agé de 40 ans, il est marié depuis 10 ans à Marie, une femme lui ressemblant beaucoup. Même démarche élégante, même forme de visage, même couleur de cheveux – quoique plus longs, même couleur d’yeux – quoique plus en amande. Elle travaille dans les ressources humaines d’une grande entreprise de presse. Elle est souriante, avenante, parle facilement. Elle sait mettre à l’aise les gens, les faire parler, se confier, rentrer dans leur tête pour mieux les comprendre, les étudier, s’intéresser à eux.

    John et Marie habitent une petite maison rue de Switzerland, avec un chien labrador et un chat siamois. Leur désir d’enfant s’est pour l’instant heurté à un mur, l’infertilité de l’un des deux, sans que les responsabilités soient encore clairement établies.

    Ce soir là, John raconte sa journée à Marie.

    - Le boulot avance bien dans la maison de Steve Halton.

    - Le chanteur ?

    - Oui, c’est lui. Il se fait construire une maison sur la colline de Sharepoint. On le voit de temps en temps qui vient faire son petit tour de chantier. Tu veux que je lui demande un autographe pour toi ?

    - Tu plaisantes ? répond Marie en s’esclaffant. Je ne suis pas une fan de Steve Halton !

    - Ah bon ? Mais tu as quand même tous ses disques. En vinyle, et en CD.

    Marie réplique aussitôt :

     - Ce n’est pas un critère suffisant pour être déclarée ‘fan désirant un autographe’. Et puis, à mon âge, c’est un peu dépassé. A 15 ans, j’aurais surement sauté sur l’occasion. Mais à 40 …

    John regarde Marie en souriant. Il aurait bien aimé la connaître à 15 ans. Mais ils n’habitaient pas la même ville. Il a fallu qu’il déménage de son Dakota natal pour rencontrer la femme de sa vie.

    - Et toi, Marie, ta journée s’est bien passée ?

    - Oh, le train-train quotidien. Des entretiens, des présentations, des relations clientèles, un repas d’affaire, de la gestion de planning. En ce moment on travaille aussi beaucoup sur le lancement d’un nouveau magazine consacré à la décoration d’intérieur.

    - Comment allez-vous l’appeler ?

    - Je ne sais pas. Tu n’aurais pas une idée, toi ? répond Marie en souriant.

    - Oh tu sais bien que je n’ai pas beaucoup d’imagination. Je suis un manuel, moi. A l’écrit, je ne sais pas tourner trois phrases correctement.

    - Oui, mais 2 ou 3 petits mots pour faire un titre, ça pourrait être dans tes cordes, s’amuse Marie.

    John reste pensif un instant, croise les jambes dans son fauteuil, fronce les sourcils, avance les lèvres, et lâche finalement :

    - ‘Habitat et déco’.  C’est pas mal, non ?

    - Excellent ! Pas très original, mais ça veut dire ce que ça veut dire.

    John s’enfonce un peu dans son fauteuil. Il préfère changer de sujet.

    - Des nouvelles de ta secrétaire Valérie ? Elle n’est toujours pas revenue travailler ?

    - Toujours pas.

    Valérie avait comme disparu de la circulation depuis un mois. Cette secrétaire de 32 ans était introuvable. Une enquête était en cours, mais les pistes étaient minces. Son mari ne l’avait pas vu rentrer un vendredi soir, elle s’était comme volatilisée après avoir quitté son travail.

    - Elle a peut-être changé de vie, est peut-être partie rejoindre un amant, avance prudemment John.

    - Oh pourquoi pas, elle en est bien capable, renchérit Marie. Elle  considère  le mariage comme une prison, et elle a voulu refaire sa vie. Elle ne va pas tarder à refaire surface et annoncer son prochain divorce.

    Elle fait une pause.

     – De toute manière il vaudrait mieux que ce soit ça, plutôt que quelque chose de plus grave.

    Amalah, le labrador, approche soudainement en remuant la queue. Marie lui caresse activement le crâne.

    - Tu pourrais la retrouver, toi, si elle avait été enlevée !

    L’augmentation des mouvements de queue d’Amalah semble un assentiment. Le chien au pelage crème ne demanderait pas mieux qu’un peu d’exercice, parcourir le pays la truffe dans le vêtement d’une femme disparue, dans la voiture du shérif s’arrêtant de-ci de-là pour le laisser sortir renifler un peu partout, dans les chemins, les fourrés, les allées, les jardins, les maisons, les salons, les chambres, les toilettes, les caniveaux, les égouts, les voitures, les halls d’immeubles, les ascenseurs, les longs couloirs, les escaliers de secours. Une vie rêvée de chien ! Au lieu de s’ennuyer dans cette maison, coincé entre une promenade matinale et une promenade vespérale.

    - Que penses-tu de mon chien ? demande Marie avec  l’œil espiègle.

    - Comment ça, TON chien ? répond John du tac-au-tac, tombant dans le petit piège tendu par sa femme. D’accord c’est toi qui est allé le chercher à la SPA, mais maintenant il est à nous, je m’en occupe autant que toi…Peut-être même plus.

    - Bon, d’accord. Alors, que penses-tu de NOTRE chien ?

    - Ah bon, parce qu’il faut penser quelque chose de lui, maintenant ? A quel point de vue ?

    - Sa personnalité.

    - Eh bien il a une belle personnalité … de chien ! Il est comme tous les autres chiens, il fait des trucs de chien, comme nous aimer, nous témoigner de l’affection, foncer vers sa gamelle quand elle est remplie, jouer à la baballe, courir dans la forêt la truffe à ras-de-terre.

    - Donc rien ne le distingue des autres chiens ? insiste Marie. Cherche un peu.

    John fronce les sourcils, creuse sa cervelle, se gratte l’aile du nez, pour finalement lâcher:

    - Non je ne vois pas.

    - Eh bien il cligne de l’œil. Et ça je n’ai vu aucun autre chien le faire. C’est un acte unique dans le monde canin. Un acte qui l’amène au bord du fossé éthologique qui sépare l’animal de l’homme.

    John sourit, un peu gêné. Pour deux raisons. La première c’est qu’il n’a pas compris le mot ‘éthologique’. Sa femme travaille dans les milieux culturels, édite des livres érudits, et a donc plus de vocabulaire que lui. Parfois il lui demande des explications, parfois il n’a pas envie de paraître inférieur et ne demande rien. C’est d’ailleurs ce qu’il va faire au sujet du mot ‘éthologique’.

    - Ah ben non, je n’ai pas remarqué. Il cligne de l’œil, tu dis ? Mais à quelle occasion ? Est-ce un tic ?

    - Il l’a fait plusieurs fois, devant moi. A chaque fois, j’avais  l’impression que c’était un signal qu’il m’envoyait pour que je remplisse sa gamelle. Mais pas forcément. Ce pourrait être autre chose.

    Après un petit silence, Marie reprend.

    - J’ai envie d’enquêter. Pourquoi pas aller voir ses anciens propriétaires pour voir s’ils ont remarqué ce fameux clin d’œil de notre cher Amalah ? Ils savent peut-être déjà tout sur le sujet !

    - Tu veux aller voir ses anciens propriétaires ?! s’interloque John.

    - Mais pourquoi pas. Demain, c’est samedi, je passe au chenil pour obtenir les adresses , et je démarre mon enquête. Tu viens avec moi ?

    - Non, j’ai pas envie. Et puis j’ai du bricolage dans la maison. La charpente à passer au traitement anti-termites, tu te rappelles. Je te laisse faire ton enquête toute seule.

    - Eh bien d’accord, dit Marie avec un franc sourire, déjà toute heureuse à l’idée de passer son samedi à questionner des gens au sujet de son chien adoré.


     

    CHAPITRE  2-

    Samedi matin. Après un petit déjeuner copieux pris avec John, Marie téléphone au chenil, et obtient, non sans parlementer un peu, l’adresse des trois anciens propriétaires d’Amalah. Elle a d’ailleurs essayé de savoir pourquoi Amallah a changé si souvent de propriétaire, mais son interlocutrice n’a rien voulu lui dire. Peut-être qu’elle ne savait tout simplement pas.

    Marie se rend au garage, s’installe au volant de sa petite voiture Ford – John, lui, a un gros 4x4 qui occupe les trois-quarts du garage -, jette un coup d’œil dans le rétroviseur pour vérifier l’éclat de son maquillage, réajuste son chemisier, son collier et ses bracelets, et tourne la clef de contact.

    La première visite de Marie sera pour la famille Jenkins. Amalah a été leur chien l’année dernière, année  au terme de laquelle il fut rendu au chenil. La propriétaire du chenil n’ayant pas voulu expliquer à Marie les raisons de ce retour, il lui faudra donc le découvrir par elle-même, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Elle a toujours aimé fouiner, résoudre des énigmes, poser des questions, chercher l’aiguille dans la botte de foin. Si elle n’avait pas trouvé rapidement du travail dans l’édition, elle aurait surement postulé dans la police, ou aurait exercé le beau métier de ‘détective privé’, comme Philippe Marlowe, son héros de fiction préféré. Bien-sûr, il règne dans ce genre de romans policiers une atmosphère surannée de machisme invétéré, mais ce n’est pas très dommageable : l’important c’est l’enquête, la résolution de l’énigme, et l’arrestation des coupables. Et, pour le coup, Marie tient là une belle enquête, sans aucun meurtre, mais avec une belle énigme éthologique.

     

    Marie roule depuis une heure maintenant sur l’autoroute, et  elle a parcouru la centaine de kilomètres qui la sépare de Trenchtown, la ville où habitent les Jenkins. A la sortie de la bretelle, elle se dirige vers le centre-ville, puis, guidée par la voix neutre et précise du GPS, se fraie un chemin dans les méandres des rues de la banlieue, jusqu’au 105 rue Desmond Tuttu. La maison qui se présente à elle est cossue, aux façades en bois vert et blanc, avec deux larges baies vitrées au rez-de-chaussée, et de larges fenêtres au premier étage. Pour accéder  à la porte d’entrée, il faut emprunter un chemin de gravier blanc traversant une pelouse verte fraichement coupée,  idéale pour les ébats quotidiens d’un chien. C’est du moins ce que pense immédiatement Marie,  qui observe attentivement tous les détails qui se présentent à elle, pour mieux appréhender la vie qu’a passée Amalah durant une année entière. Elle gravit trois marches, et sonne à la porte d’entrée couleur acajou. Un homme d’une cinquantaine d’années lui ouvre la porte, le regard un peu fatigué et les cheveux en vrac mal peignés. Une fois les présentations faites et le motif de la visite expliqué, Marie se retrouve dans le salon en face de Mr Jenkins.

    - Ma femme et mes enfants sont en ville pour faire des courses. Nous serons tranquilles pour bavarder de ce cher vieux Revlar.

    - Vous l’aviez appelé Revlar ? s’exclame Marie. Savez-vous que maintenant il s’appelle Amalah ?

    - Amalah ? C’est un joli nom. D’origine orientale ?

    - Tout-à-fait.  C’est le nom d’un roi perse du quatrième siècle. J’ai édité un livre sur l’empire Perse il y a deux ans, ceci expliquant cela. Et d’où vient le nom ‘Revlar’?,  demande à son tour Marie.

    - C’est le nom d’un matériau composite. Voyez-vous, je travaille dans l’industrie, et les matériaux composites sont de plus en plus utilisés. Ils sont plus légers et aussi résistants que les matériaux traditionnels, comme l’acier, le fer, etc …

    Mr Jenkins marque une courte pause, et reprend.

    - Vous m’avez dit que ce chien vous intrigue parce qu’il cligne de l’œil, c’est bien ça ?

    - En effet, acquiesce Marie. Mais je ne sais pas définir si c’est une sorte de tic chez lui, ou bien si cela répond à un processus cognitif. Dans ce cas, ce clignement correspondrait à un élément de langage ou de comportement, comme aboyer ou lever la patte.

    Mr Jenkins sourit franchement.

    - Eh bien dites-donc, comme vous y allez ! A dire vrai, nous avions remarqué cette particularité chez Revlar – pardon Amalah -, mais sans nous poser plus de questions que cela. Par contre, c’est bien la raison pour laquelle nous nous sommes séparés de cet animal – par ailleurs si attachant. Figurez-vous que ce clignement faisait horriblement peur à notre petite dernière, âgée de 5 ans. Et elle piquait de telles crises de larmes, que nous avons rendu Amalah au chenil.

    Marie pousse un soupir de soulagement. Ainsi elle n’est pas folle, et d’autres ont remarqué cette particularité de ce chien. Elle décide de questionner un peu plus Mr Jenkins.

    - Voyons, Mr Jenkins, vous étudiez les matériaux  dans l’industrie, vous êtes un scientifique, vous avez donc un esprit d’observation très aiguisé. Vous avez bien  décelé une logique dans ce clignement d’œil de votre chien ?

    Le maître de céans hésite, hausse les yeux en poussant un long soupir.

    - Oui, mais à quoi bon. Tout le monde me prend pour un cinglé quand je donne mon avis à ce sujet.

    - Je vous jure que je ne vous prendrai pas pour un cinglé.

    - Vous seriez bien la seule.

    - Je suis aussi la seule à venir vous voir expressément pour vous en parler.

    - C’est vrai, concède Mr Jenkins. Bon, alors voilà. Je pense que ce chien utilise ces clignements de paupières pour communiquer. C’est un peu ce que vous soupçonniez d’ailleurs. Connaissez-vous ces handicapés qui ne peuvent plus bouger un seul muscle, à part ceux des yeux. Et qui utilisent les battements de paupières pour communiquer. Eh bien je pense que ce chien fait le même genre de choses.

    Marie n’en croit pas ses oreilles. Ce type est tout simplement génial ! Ce qu’il dit est tout-à-fait plausible. Elle se met alors à le regarder d’une façon plus attentive. Il a effectivement l’air d’un savant fou, avec ses cheveux hirsutes, son corps long et maigre, son visage aux contours tranchés à la serpe, ses petits yeux mobiles derrière des lunettes rondes sans fioritures, non pas accessoire de mode mais objet utilitaire pour mieux voir le monde, et surtout le comprendre.  C’est cela qui lui manque chez John, cet aspect scientifique et intellectuel qui devrait habiter tout homme digne de ce nom ! L’espèce humaine est sur Terre pour comprendre et transformer le monde. Même si elle risque de le détruire, c’est néanmoins sa fonction première. Marie a publié beaucoup de livres scientifiques, qu’elle préfère de loin aux romans, livres sans intérêt qui ne font que raconter des histoires imaginaires qui ne nourrissent en aucun cas le savoir, la méthode et la rigueur scientifiques. John préfère les romans, et ça ne l’étonne pas !  Son regard se pose à nouveau sur Mr Jenkins, et la perspective d’une discussion à bâtons rompus sur les capacités supérieures de la gente canine la fait saliver d’avance.

    - Avez-vous pu comprendre le langage de votre chien, c’est-à-dire associer certaines séquences de clignements d’œil avec  certains éléments de langage ?

    L’œil de Mr Jenkins s’éclaire. Il a enfin trouvé une âme charitable à qui parler de ses observations, et il se lance dans ses explications.

    - Le premier mot que j’ai décodé, c’est ‘nourriture’.  Ce chien se plantait devant moi, et faisait 2 clignements de paupière : un long, et un court. Ensuite il se dirigeait vers sa gamelle vide. Vous voyez, ce fut très simple à deviner. Il suffisait de faire la relation entre deux modes de langage : le langage du corps et celui de la paupière. Ce fut un peu ma pierre de Rosette !

    Marie ne manque pas l’occasion de montrer son savoir :

    - Effectivement, ce fut grâce à cette pierre, gravée de deux  écritures, une écriture connue, le  grec ancien, et une écriture inconnue, les hiéroglyphes, que Champollion put décoder l’écriture égyptienne. Il lui a suffi  de penser que les deux signifiaient la même chose.

    Mr Jenkins sourit  aimablement à sa visiteuse surprise du jour, satisfait de constater qu’il n’a pas affaire à une ignare. Il observe maintenant ses yeux vifs, ses lèvres parcourues de légers tremblements, comme s’il y avait toujours un mot prêt à sortir de sa bouche. Son visage a des traits réguliers, dégageant une beauté altière pleine d’harmonie. Décidément, cette journée démarre bien. Reprenant le fil de ses idées, il poursuit son discours.

    - Le deuxième mot que j’ai décodé, c’est ‘sortir’. Cette fois, ce fut deux battements courts, et un aller-retour du chien vers la porte d’entrée.

    - Combien de mots avez-vous décodés ?, demande Marie

    - Une vingtaine. Je vais vous les montrer.

    Jenkins se lève et marche d’un pas saccadé vers la bibliothèque du salon. Il ouvre la porte vitrée, compte un certain nombre de livres à partir du début de la deuxième rangée, et glisse sa main derrière un livre pour en sortir un petit carnet noir.

    - Eh bien, quel secret bien gardé ! pouffe Marie. Pourquoi  cachez-vous ce carnet ainsi ? Je suppose qu’il contient ces fameux mots de chien. Ce n’est quand même pas un secret d’état !

    Jenkins tourne la tête, fronce les sourcils, parait dire quelque chose, mais se retient. Il finit par revenir vers le canapé, et tend le carnet à Marie.

    - Merci Mr Jenkins.

    - Voilà, vous savez tout. Je vous laisse consulter ce petit carnet à loisirs, il est à vous. Mais je dois maintenant prendre congé de vous. Ne m’en veuillez-pas, mais mes enfants vont bientôt rentrer de l’école pour déjeuner, et je n’aurai plus de temps à vous accorder.

    - Mais certainement Mr Jenkins, dit Marie, tout en regrettant de ne pouvoir poser quelques questions à sa fille, celle qui a motivé le renvoi d’Amalah. Ce n’est quand même pas bien horrible de regarder un chien qui bat des paupières. Sans doute cette jeune fille a-t-elle des problèmes psychologiques. Ou bien n’est-ce pas l’entière vérité. Marie se lance.

    - J’espère que votre fille n’est plus traumatisée. Comment s’appelle t’elle déjà ?

    - Héléna. Oui, rassurez-vous, tout va très bien pour elle. Vous savez, elle n’a que 8 ans, et son imaginaire est encore rempli de personnages fantastiques et de contes de fées. Je crois qu’elle aurait préféré Revlar dans un conte ou un dessin animé, mais pas dans la réalité !

    - Vous avez surement raison. Merci infiniment pour votre accueil, Mr Jenkins.

    En sortant, Marie inspecte rapidement des yeux le jardin, la pelouse bien entretenue, les vélos pour enfants, les parterres de fleurs. Et une niche de chien ! Nostalgie de Revlar, ou bien y a-t-il un nouveau membre canin dans la famille Jenkins?


     

                                                            CHAPITRE 3.

    Marie rentre en fin d’après-midi à Texaco. Sur la route elle a rencontré un autre ancien propriétaire d’Amalah, mais sans aucun intérêt pour elle. Ce marchand de meubles n’a pas remarqué les dons de son chien, et s’en est séparé pour raison de non-entente avec ses autres animaux domestiques. Peut-être qu’Amalah ne tolère que ceux qui comprennent son langage !

    Elle retrouve John sous la véranda, étendu sur un transat, sirotant un cocktail maison. Il lui sourit, et elle s’approche de lui pour l’embrasser. Elle pose une main sur l’accoudoir, et se penche jusqu’à ses lèvres. John pose une main sur son épaule pour accompagner le baiser, qui dure quelques secondes.

    - Ah, ça fait du bien ! , soupire avec joie Marie.

    Cela amusera toujours John que Marie ait l’habitude de commenter ses émotions et ses plaisirs. Bien-sûr c’est parfois gênant, surtout en public, lorsqu’elle attire quelques regards de personnes pudibondes. Mais elle ne peut pas s’en empêcher. Elle joint toujours la parole au geste.

    Le vent souffle légèrement sur leurs visages, il les rafraichit agréablement au terme de cette journée ensoleillée. Marie se laisse aller sur le transat mitoyen de celui de John, et tous deux restent ainsi sans rien dire quelques instants, le regard perdu au loin dans le soleil couchant. Le piaillement des moineaux, le bruit de l’eau de la fontaine zen installée en bas de l’escalier, le tintement des feuilles agitées par le vent, leur jouent une symphonie naturelle qui  les berce lentement.

    Marie repense à sa journée : que de nouveautés dans sa vie! Voilà qu’elle devient enquêtrice, que sa vie devient, non pas un conte de fée, mais un roman d’aventure. Ou, mieux, une enquête de Sherlock Holmes. Il lui faudrait alors son fidèle Watson, son bras droit qui l’aidera à résoudre les énigmes. Elle regarde John du coin de l’œil. Ce ne sera pas son Watson ! Tout au plus écoutera t-il d’une oreille polie et attentive le récit de ses découvertes, mais il ne rentrera pas dans la mécanique de recherche qu’elle sent prendre possession d’elle.

    -Tiens, c’est bizarre, Amallah n’est pas là, et il n’est pas venu m’accueillir en aboyant quand la voiture est rentrée dans le garage.

    - Ton chien  a disparu depuis le milieu de l’après-midi,  vers 16 heures, répond prudemment John.

    - Comment ça, disparu ? Il doit être dans un coin du jardin, à creuser les taupinières ou se rouler dans l’herbe.

    - Non. J’ai fait le tour de la propriété, il n’est nulle part.

    Marie sent monter l’angoisse et la colère en elle.

    - Et tu es resté sans rien faire, assis les bras croisés ?

    - Je t’attendais pour qu’on parte à sa recherche.

    - Alors allons-y tout de suite. On prend ton 4X4.

     

    Le véhicule sillonne le quartier depuis vingt minutes déjà , et toujours pas de trace d’Amalah. Que faire ?

    John a soudain une illumination. 

    - Tu as fait poser une puce électronique dans le collier d’Amallah samedi dernier. C’était pour quoi ? Quelles sont les informations contenues dans cette puce ?

    - Ce sont des données médicales, vaccinations et maladies, ainsi que son pédigrée et son adresse. En quoi est-ce que ça peut nous aider à le retrouver ?

    - Imagine que cette puce permette d’utiliser un GPS. On pourrait le localiser facilement.

    Marie regarde John du coin de l’œil, hésite entre la folie et le génie à son égard, opte pour une solution intermédiaire, l’intelligence un peu délirante.

    - Donc tu penses que cette puce peut plus qu’elle n’y parait?

    - Dieu sait tout ce que les hommes peuvent mettre dans une puce! Allons voir le vétérinaire qui l’a posée. Tu me tapes l’adresse dans le GPS de la voiture?

    - Je ne sais pas si mon vétérinaire a mis son collier, répond Marie en s’amusant.

    John sourit, et décide d’y aller sans GPS, en faisant confiance à sa mémoire et à son sens de l’orientation. Après tout, il faut faire attention à ne pas se faire phagocyter par la technologie moderne, au risque de voir les facultés cérébrales de l’homme s’atrophier. Heureusement son métier de menuisier-charpentier lui évite cet écueil. Il utilise bien quelques outils informatiques pour faire les plans de meubles ou de toitures, mais l’essentiel  de son travail est manuel, nécessitant une bonne vision dans l’espace et une bonne coordination motrice. John met toujours quelques années de plus que les autres à passer un seuil technologique. Il a mis 10 ans à passer du vinyle au CD, 7 ans à passer du téléphone fixe au téléphone portable, et se refuse encore à acheter un smartphone. Il cèdera quand son téléphone rendra l’âme, et qu’il n’y aura plus que des smartphones en boutique !

    Dix minutes plus tard, ils arrivent à la clinique vétérinaire, et Marie demande à voir le docteur Rully qui a installé la puce la semaine précédente. Il arrive bientôt, la cinquantaine bien sonnée, grand, élégant, les gestes gracieux et le sourire charmeur.

    - Que puis-je faire pour vous, madame Larson ?

    - Mon mari et moi nous demandions si votre puce pouvait faire office de GPS. Voyez-vous, Amallah a disparu cet après-midi, et nous le cherchons en vain depuis une heure.

    - Hélas non, madame Larson. La puce que nous avons mise dans son collier est médicale. Il existe  bien des puces GPS, mais c’est un autre type. Elle est surtout utilisée par les chasseurs, pour retrouver rapidement leur chien qui s’est égaré à la poursuite d’un gibier.

    La déception première passée, Marie demande quand même :

    - Est-ce vraiment une puce différente, ou la même puce programmée différemment ?

    Une lueur de surprise passe dans le regard du docteur.

    - Vous avez entièrement raison, madame Larson ! Je vous félicite pour votre intelligence. Mais il faudrait tout de même une grossière erreur de notre part pour que nous ayons programmé à tort la recherche GPS sur la puce de votre chien.

    - Vous pouvez vérifier ? intervient John.

    - Certainement.

    Le docteur Rully s’assied à son bureau, effectue quelques clics sur son ordinateur, et ses sourcils se froncent soudain, avant  qu’un large sourire s’affiche sur son visage.

    - Je suis ravi de vous annoncer que nous avons fait la petite erreur de reprendre la puce d’un chien mort à la chasse pour l’affecter à Amallah. Et nous avons réinitialisé les données médicales, mais pas le GPS !

    - Docteur, on ne peut pas vous faire confiance ! s’amuse Marie. Cela nous arrange bien. Vous pouvez nous dire où il est, alors ?

    Quelques instants plus tard, la réponse arrive.

    - Il est à Trenchtown, à 100 kilomètres d’ici.

    - J’y suis allée ce matin! s’exclame Marie, pour rendre visite à l’ancien propriétaire d’Amallah, Mr Jenkins. Mais comment est-ce possible ?

    Les idées s’agitent dans sa tête, elle se dit tout d’abord que Mr Jenkins a voulu récupérer son chien pour poursuivre le déchiffrement de son langage. Mais il lui en aurait parlé. Il n’aurait pas procédé à un dangereux kidnapping. D’ailleurs il n’en aurait pas eu le temps matériel.

    Marie se dirige vers le téléphone et appelle Mr Jenkins. Une petite voix répond.

    - Allo ?

    - Zut, c’est sa fille, pense Marie. Bonjour. Est-ce que ton papa est là ?

    - Je crois que oui. Je vais le chercher.

    - Merci.  Ouf, il est là.

    Trente secondes plus tard.

    - Allo ?

    - Bonsoir Mr Jenkins. Vous savez que Amallah a disparu ? attaque Marie sans préambule.

    - Bonsoir Mme Wesling. Quel plaisir de vous entendre à nouveau ! Vous dites que votre chien a disparu ? Mais quand ça ?

    - Pendant que je bavardais avec vous ! Et devinez où il est ? A Trenchtown !

    La conversation n’apporte hélas aucun élément intéressant. Mr Jenkins n’a pas vu le chien, et sa fille non plus. Après avoir convenu de se tenir au courant, ils raccrochent tous deux.

    Marie se laisse aller dans le canapé, éreintée. Son regard s’évade par la baie de la véranda. Le crépuscule atténue progressivement toutes les lumières naturelles du jardin. Des ombres disparaissent, des pénombres apparaissent à leur place, engendrant des farandoles fantomatiques entre les arbres, les arbustes, les parterres de fleurs, le mobilier de jardin, les cailloux du chemin, le lierre tombant de la tonnelle. Marie se laisse absorber par cette magie des formes incertaines, estompées, formant comme un tableau impressionniste français du début du 20 ème siècle. Cela lui fait du bien de lâcher la laisse à son esprit, contraint toute la journée à chercher et chercher encore. Des images hypnagogiques défilent dans sa tête. Elle les laisse occuper son activité mentale, tandis que son corps se relaxe peu à peu, et s’allonge un peu mieux sur le sofa.

    Au bout d’un quart d’heure elle émerge de sa mini-sieste, revigorée. Il est tard maintenant, bientôt neuf heures. Elle se rend dans la cuisine, trouve un restant de gratin aux épinards dans le frigo. Une fois sa faim calmée, elle se rend dans la chambre, où John feuillète une revue allongé sur le lit.

    - Bonsoir mon chéri. Tiens, tu lis un magazine sur le tennis ? Tu veux y rejouer ?

    - Bonsoir Marie. Bien reposée ? Je n’ai pas voulu te déranger pendant ta sieste. Jouer au tennis ? Oui, pourquoi pas. Il faudrait que je travaille mon revers, qui n’est pas fameux.

    - C’est vrai que tes revers ne rentraient pas souvent dans le terrain. Je me souviens quand on jouait, peu après notre rencontre. Ca fait déjà longtemps !

    A cette pensée nostalgique, Marie se tourne vers John pour l’embrasser. Celui-ci laisse choir son magazine sur le sol, et attire un peu plus Marie vers lui. Ils font brièvement l’amour. John pense que décidément il a épousé une bien jolie femme. Marie pense que cette fois elle va enfin tomber enceinte.


     

                                                            CHAPITRE 4.

     

    Ils se lèvent tôt ce dimanche. Le temps n’est pas très beau : le ciel est nuageux, et un léger vent froid fait s’agiter les arbres du jardin. Ils sont tranquillement installés à la table du salon, dégustant bacons et œufs au plat, lorsqu’un bruit se fait entendre à la porte d’entrée.

    - Mais c’est Amalah qui gratte à la porte ! , s’exclame Marie en se levant d’un bond.

    - A la bonne heure, le chien prodigue est de retour, plaisante John.

    Marie s’élance vers l’entrée, ouvre la porte, et reçoit vingt kilos de labrador dans les bras !

    - Il est revenu ! Tu sais qu’on se faisait du souci pour toi ! parvient-elle à dire entre deux coups de langue bien humides.

    Amalah remue frénétiquement la queue, puis se calme progressivement, et se dirige vers sa gamelle … vide. Il se tourne alors vers Marie, et lui fait deux clignotements d’œil : un long, un court.

    Sidérée, Marie tend la main vers le carnet de Mr Jenkins, qu’elle avait laissé sur le guéridon de l’entrée, cherche la page concernant le décryptage des signes de sonchien, et lit : ‘un long, un court = demande de nourriture’. Un sourire apparait sur ses lèvres, tandis qu’elle relève la tête vers son chien.

    - Toi, mon loulou, on n’a pas fini de discuter.

    - C’est à moi que tu parles ? lance John du salon.

    - Non, c’est au chien que je parle. Il vient de communiquer avec moi dans son langage.

    - Les clignements d’œil ?

    - C’est ça. Et maintenant je peux traduire, grâce au travail de Mr Jenkins. Il vient de me dire qu’il veut manger.

    - Pas étonnant, après une nuit à gambader dehors, s’amuse John. S’il te dit qu’il veut dormir dans notre lit ce soir, je te dis d’avance que c’est non.

    - T’es con, pouffe Marie, tout en remplissant la gamelle de pâtée pour chien.

    Amalah vide sa gamelle en cinq secondes, et part s’allonger devant la table du salon, sur le tapis ramené de Turquie l’année dernière. D’une dominante rouge, il est fait de motifs géométriques variés, qui se juxtaposent ou s’entrelacent dans de savants mélanges qui font la beauté des arts picturaux arabes. Marie remarque que son chien fugueur a posé sa truffe sur une lemniscate fushia, symbole d’infini. Quant à ses pattes arrières, l’une est sur un losange rose, l’autre sur un triangle orange. Peut-être qu’il peut aussi communiquer par des symboles abstraits ? Marie se dit alors qu’il faut qu’elle arrête de gamberger sur tout et n’importe quoi, et qu’elle se concentre sur deux choses seulement : vérifier les signes codifiés par Mr Jenkins, voire en découvrir d’autres, et connaître l’emploi du temps de son chien depuis hier après-midi.

    - Dis-donc chérie, et si Amalah était parti avec toi, hier, à Trenchtown ? lance John

    - Comment ça ?

    - Dans le coffre de ta voiture, par exemple. Il aurait pu se glisser dans le coffre avant que tu ne partes.

    - C’est possible, acquiesce Marie. Mais comment l’aurait-il ouvert, et puis fermé ? Avec sa papatte ?

    - Effectivement, concède John. Y a comme un os dans cette théorie.

    Marie pouffe de rire et vient enlacer les épaules de son mari, qui termine son petit déjeuner.

    - C’est pas grave, dit-elle en l’embrassant dans le cou. Tu trouveras mieux la prochaine fois.

    John finit sa bouchée de marmelade à l’orange, et tourne la tête pour embrasser sa femme sur les lèvres, amoureusement et tendrement. Ils restent longtemps ainsi à se goûter l’un l’autre. Puis de légers problèmes musculaires, au cou chez l’un, au dos chez l’autre, les obligent  à se séparer.

    La journée passe tranquillement. Demain, la semaine de travail commencera, et les péripéties du week-end seront vite oubliées.

     

    La petite fille prépare son cartable. C’est le premier jour de la semaine et elle doit aller à l’école. Elle

     

     

     

      

     

     

     

     

     

    Jeudi 28 Novembre 2019 à 21:04
    Green Tea

    C'est pas mal du tout et ça se lit bien ! C'est très vivant et ça avance bien, en partie grâce aux dialogues. Et que devient Valérie, la jeune femme disparue ? Tu vas écrire une suite ?

    Pour le début, essaie de trouver un début dans l'action, un peu comme dans les films où les personnages sont en plein milieu d'une scène. Ensuite tu pourras très bien distiller les informations concernant tes personnages au fur et à mesure qu'on avance.

    Par exemple : Le soir tombe (avec description des lieux - comme tu sais bien faire) John se rapproche de Marie.

    - Le boulot avance bien dans la maison de Steve Halton.

    Là tu peux placer des informations sur le travail de John.

    etc.

    Marie

     




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