Nouvelle : la cérémonie zen

Voilà une nouvelle que j'ai écrite en 2016.

Le temple bouddiste du bois Vincennes existe vraiment, mais je n'y ai jamais mis les pieds. Tout est inventé !

   Je fus invité à une cérémonie du thé japonais. Le lieu de l’événement s’avéra être le temple bouddhique du Bois de Vincennes. J’étais déjà passé devant, lors de ballades à pied ou à vélo. Un mur d’enceinte et de nombreux arbres en cachait une bonne partie, et seulement le haut du temple était visible. Mais, étant donné la dimension respectable du mur, on pouvait imaginer que le temple était entouré d’un grand jardin, ou bien d’autres bâtiments plus bas.

   J’arrivai  dix minutes avant le début de la cérémonie à laquelle Eva m’avait convié. Elle avait déjà  participé, il y a un mois, à ce genre de happening, et voulait me faire partager l’événement.

   - Tu verras, l’ambiance est spéciale. C’est religieux sans l’être. C’est bouddhique quoi !

   J’avais acquiescé avec un sourire en coin. J’avais laissé tomber les religions depuis fort longtemps, et cela ne me disait rien de bon de replonger dedans. Eva avait fait mine de ne pas remarquer mon manque d’entrain, et m’avait donné la date et l’heure du rendez-vous.

   Elle m’attendait déjà à l’entrée du fort – dans ma tête, une tour entourée d’une enceinte, c’est un fort…

   - Voilà mon preux chevalier bouddhique ! dit Eva en souriant.

   Apparemment, la touche moyen-âgeuse de l’endroit ne lui avait pas échappé non plus.

   - On rentre ? Ca commence dans quelques minutes, et je n’aime pas être en retard.

   - T’inquiètes. Je connais les lieux. Suis-moi.

   Je suivis Eva à travers la large porte qui éventrait le mur, puis le long d’un chemin de cailloux coupant en deux une place intérieure bordée de quatre maisons basses. Le temple s’érigeait entre deux maisons, dans un style chinois avec  des pagodes à chaque niveau. Les murs étaient peints de rouge et de marron, et présentait ça et là des sculptures en bois aux motifs abstraits et géométriques.

   La petite affiche placardée à l’entrée nous confirma que nous étions bien au bon endroit et à la bonne heure.

   - Il y a une cérémonie du thé par mois, m’indiqua Eva.

   - Et c’est tout public ? Je ne suis même pas bouddhiste, moi.

   Eva me regarda quelques secondes, et déclara :

   - Je crois que tu l’es … sans le savoir.

   - Ca m’étonnerait, rétorquai-je. Par contre, toi tu es folle, et tu le sais !

   Elle sourit et me prit par le bras pour me faire rentrer dans l’antichambre de la salle centrale du temple. Nous y déposâmes nos chaussures, nos manteaux, nos sacs, et rentrâmes nous installer en position du lotus zen parmi la trentaine de participants. Une légère odeur d’encens flottait dans l’air. Je retroussais mes babines pour en déterminer la composition. Il me sembla qu’il était à la myrrhe. Une vision des rois mages me traversa l’esprit, et ce fut le moment que choisirent trois sages moines pour rentrer dans la salle par une porte latérale. Le premier portait religieusement un bol noir, le deuxième tenait un petit fouet dans sa main gauche et une théière dans sa main droite, et le troisième apportait les feuilles de thé vert.

   - C’est du thé fraîchement coupé, me chuchota Eva à l’oreille. Je crois même qu’il vient du Japon.

   - On pourra en boire, ou on ne peut que regarder ?

   - Tu pourras en boire, me répondit-elle. La consommation fait partie intégrante de la cérémonie.

   - Ah bon tu me rassures. Je ne serai pas venu pour rien, ironisai-je.

   Les trois moines s’assirent sur des tabourets bas, leurs genoux touchant le sol et les tibias repliés sous le tabouret. Ils déposèrent leurs ustensiles sur le sol, et nous sourirent. Ensuite les feuilles de thé furent finement broyées dans le bol, mises dans la théière, et longuement agitées à l’aide du fouet.

   - C’est un fouet en bambou, me souffla Eva.

   Après quelques minutes d’infusion, le thé était prêt à la dégustation.

   - Ils n’enlèvent pas les petits morceaux de feuilles ? M’interrogeai-je.

   - Non, on avale tout, répondit Eva. Tu verras, c’est très bon.

   Un moine dit une phrase en tibétain, et l’assistance se leva pour se ranger en file indienne. Chacun sortit un petit verre ou un bol pour recevoir le précieux breuvage.

   - J’ai pas de verre ! M’exclamai-je en agrippant le bras d’Eva.

   - Tu boiras dans le mien, me rassura t-elle. Si ça ne te gêne pas…

   - Non, pas de problème. Mais je risque de lire dans tes pensées.

   - A tes risques et périls !

   Lorsqu’Eva arriva devant le moine tenant la théière, elle tendit son bol dans ses deux mains en creux, et reçut le thé.

    La scène me fit fortement penser à la communion chrétienne, quand les fidèles vont recueillir l’hostie. Je me dis que j’en parlerais à Eva lorsque la cérémonie serait terminée. Pour l’instant je pris le bol qu’elle me tendit, après avoir lentement bu deux gorgées de thé, et trempai à mon tour les lèvres dans le liquide.

   Aussitôt une explosion de goûts eut lieu dans ma bouche ! Ca ne ressemblait à aucun des thés que j’avais déjà bus. Et puis il y avait les petites particules de feuilles broyées qui s’agitaient sous mon palais, et chatouillaient mes papilles. Je laissai le thé plusieurs secondes dans ma bouche, le dégustant comme un œnologue chevronné. Lorsque j’avalai enfin, une chaleur agréable se répandit dans mon œsophage et mon estomac.

   A ce moment, Eva se retourna et m’adressa un sourire entendu.

   Une fois sortis du temple, je ne pus m’empêcher de lui dire :

   - J’ai eu l’impression de communier.

   - Ca m’a fait ça aussi. Mais c’est mieux qu’à l’église, non ?

   - Beaucoup mieux !

   Je fis une pause et continuai.

   - A présent tu es ma sœur de goût.

   Eva acquiesça sans un mot.

Bravo pour ta nouvelle ! j'ai bien aimé les petites pointes d'humour et tous les détails que tu mets en place pour nous emmener dans l'ambiance du temple. Tu maîtrises bien les descriptions.

Une suggestion : tu pourrais utiliser la technique du forward c'est à dire que tu peux débuter ta nouvelle par la situation finale que tu décris et ensuite, pour la chute, tu peux approfondir le parallèle que tu fais entre l'expérience vécue dans le temple et un souvenir que tu as d'une messe et de l'hostie, par exemple.

Marie